23 juin
Une femme appelle de Seaview pour dire que son placard à linge a disparu. En septembre dernier, sa maison possédait six chambres, et deux placards à linge. Elle en est sûre et certaine. Et maintenant, il ne lui en reste plus qu’un. Elle vient ouvrir sa maison de plage pour l’été. Elle quitte la ville en voiture avec les gamins, la nounou et le chien, ils débarquent avec leurs bagages, et voilà que toutes leurs serviettes ont joué les filles de l’air. Disparues. Pouf.
Triangulées Bermudes.
À sa voix dans le répondeur, cette manière dont sa voix monte en crissant, haut perchée, jusqu’à n’être plus qu’une sirène d’attaque aérienne avant même la fin de chaque phrase, on sait qu’elle est folle furieuse, qu’elle en tremble de la tête aux pieds, mais que, surtout, elle meurt de trouille. Elle dit : « Est-ce que c’est une mauvaise plaisanterie ? Je vous en prie, dites-moi qu’on vous a payé pour faire une chose pareille. »
Sa voix dans le répondeur, elle dit : « Je vous en prie, je ne vais pas appeler la police. Remettez simplement les choses comme elles étaient, d’accord ? »
Derrière sa voix, en arrière-plan, faiblement, on entend une voix de petit garçon qui dit : « M’man ? »
La femme, à l’écart du téléphone, elle répond : « Tout va très bien se passer. » Elle ajoute : « Allons, pas de panique. » La météo d’aujourd’hui, c’est une tendance croissante vers le déni.
Sa voix dans le répondeur, elle dit : « Rappelez-moi, vous voulez bien, d’accord ? » Elle laisse son numéro de téléphone. Elle insiste : « Je vous en prie… »